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Les décideurs publics sont amenés à utiliser davantage le potentiel créatif, holistique et sociétal des Professions OAI.

Un chiffre d’affaires global

Il faut cesser de malmener les « Professions OAI », dont les missions et obligations sont croissantes dans un contexte d’inflation des normes constructives, et de tordre le coup à l’idée fausse que les honoraires seraient élevés ou encore de percevoir à tort les services surtout comme constituant un coût.

Contrairement à certains clichés, le chiffre d’affaires annuel moyen des bureaux d’architecture et les rémunérations nettes perçues sont relativement modestes (19) - après déduction des multiples frais et charges et eu égard au volume de travail et aux qualifications acquises - au regard des salaires pratiqués au Luxembourg dans le secteur privé pour d’autres professions intellectuelles, sans même parler du secteur public encore plus favorisé. Selon une étude statistique menée par l’OAI, le chiffre d’affaires annuel médian par effectif (pour un bureau de moins de 5 personnes, représentant 74% des bureaux) est de 58.510 euros (20). Il est souligné qu’il s’agit d’un chiffre d’affaires global comportant les multiples frais et charges d’exploitation du bureau et non pas du salaire annuel médian par personne. Le chiffre d’affaires médian est donc tout sauf élevé.

Il est encore souligné que les honoraires des concepteurs indépendants représentent une faible fraction dans l’investissement financier d’un projet, comparé aux coûts de construction et d’exploitation d’un immeuble. Une conception innovante et intelligente peut même contribuer à réduire sensiblement ces coûts, en particulier les frais de maintenance.

Au-delà de l’établissement des plans d’autorisations et d’exécution et le suivi intransigeant des travaux, le concepteur indépendant peut également assurer le monitoring du bâtiment pour sa phase de mise en exploitation et sa réception, et même sur toute sa durée d’exploitation.

“La connaissance fine ainsi acquise du comportement des bâtiments et de leurs usages est génératrice d’une plus-value partagée.”

Maîtrise d’œuvre OAI

Ainsi, la méthodologie MOAI.LU - maîtrise d’œuvre OAI, une collaboration coordonnée et intégrale des concepteurs indépendants, répond aux exigences de plus en plus complexes.

“Les « Professions OAI » apportent la plus-value cruciale de concepteurs indépendants et sont d’intérêt public.”

Dans un arrêt du 4 juillet 2019 (21) concernant la HOAI ("Honorarordnung für Architekten und Ingenieure"), la Cour de Justice Européenne (CJUE) a confirmé que la préservation de la qualité de l’environnement bâti, en abrégé « Baukultur », ainsi que la construction écologique, sont d’intérêt public.

Dans cette même affaire (C‑377/17), la CJUE a admis – à rebours du postulat contraire soutenu par la Commission – que « l’imposition de tarifs minimum peut être de nature à contribuer à limiter le risque [de prestations au rabais de mauvaise qualité], en empêchant que des prestations soient offertes à des prix insuffisants pour assurer, à long terme, la qualité de celles-ci. »

Dans ce contexte, l’OAI attend des autorités publiques un soutien des professions libérales, dont les « Professions OAI », sans céder aux sirènes de la déréglementation. En réalité, la règlementation protège le client : elle impose une qualification, l’entretien des compétences via les obligations de formation professionnelle continue, des conditions d’exercices, le respect d’une déontologie, une responsabilisation personnelle et professionnelle…

L’OAI estime que les pouvoirs publics doivent rester vigilants pour garantir la sauvegarde des professions libérales, aujourd’hui menacées en Europe par une logique de déréglementation, dont le dernier avatar insidieux est la loi du 2 novembre 2021 portant transposition de la Directive européenne (2018/958) relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation de professions. L’OAI avait alerté dans une lettre ouverte qu’il s’agissait d’une « perte de souveraineté nationale par la petite porte… » (22).

« Smart Nation »

“A l’orée de la « 4ème révolution industrielle », il importe que les pouvoirs publics soutiennent les professions libérales pour affronter les défis à relever (économie circulaire, intelligence artificielle, bâtiments intelligents, transition vers une « Smart Nation », etc.).”

Ils doivent accompagner la digitalisation de l’économie, en soutenant les efforts d’adaptation, d’innovation et d’investissement des professionnels, par l’adoption de mesures concrètes, notamment des subventions directes et des mesures fiscales (23).

Un terreau plus favorable pour dynamiser ces professions intellectuelles créatrices de valeurs ajoutées, en particulier pour rendre plus attractifs les métiers techniques, est à reconstruire (restructuration de l’organisation scolaire, formations de métiers spécifiques, académie professionnelle, réforme des BTS et autres programmes de métiers techniques…).

Une difficulté de recrutement

L’attractivité en berne des professions du secteur de la construction au sens large, et la difficulté de recrutement d’architectes et d’ingénieurs pour les bureaux d’études, sont un sujet de préoccupation majeure. On ne peut taire l’une des causes, à savoir la « concurrence déloyale » du secteur public, qui offre en moyenne des rémunérations extrêmement élevées, insusceptibles d’être pratiquées par des opérateurs économiques soumis eux à un cadre concurrentiel et à l’exigence de rentabilité.

Annexes

L’étude de rémunération (2021) relative au Luxembourg du cabinet de recrutement spécialisé Hays permet d’avoir un aperçu des revenus des architectes au pays : architecte perçoit ainsi entre 33.000 et 42.000 euros durant ses trois premières années professionnelles. Entre quatre et huit années d’expérience, la fourchette oscille entre 42.000 et 55.000 euros/an. Au-delà de huit ans de pratique professionnelle, il peut espérer atteindre les 67.000 euros annuels.

Cf. Hays recruiting Experts Worldwide, 2021

(19)

Selon une étude statistique récente réalisée par l’OAI, en 2020, le chiffre d’affaires annuel médian par effectif, c’est-à-dire le chiffre d’affaires annuel par effectif atteint par la moitié des bureaux inscrits à l’OAI, se situait autour de 63.000 € pour les bureaux d’architectes et de 92.000 € pour les bureaux d’ingénieurs-conseils (cf. radiographie économique des membres OAI établis au Luxembourg à l’annexe 3). Le chiffre d’affaires annuel moyen par effectif se situait autour de 74.000 € pour les bureaux d’architectes et de 110.000 € pour les bureaux d’ingénieurs-conseils.

En utilisant une durée effective de travail de 1.700 h/an, cela correspond à un chiffre d’affaires médian par heure travaillée de 37 € pour les bureaux d’architectes au Luxembourg, et de 54 € pour les bureaux d’ingénieurs-conseils au Luxembourg. Il importe cependant de souligner que seules environ 80% des heures travaillées sont facturables. Le travail administratif, l’acquisition de projets, les formations et la perte de temps causée par le trafic constituent notamment des heures non facturables. De plus, ces montants ne représentent pas le salaire, mais doivent couvrir tous les frais du bureaux (masse salariale, charges sociales, loyer, assurance légale obligatoire (RCP et décennale), matériel et licences informatiques, formation continue…).

(20)

C.J.C.E.

4 juillet 2019, affaire C-377/17.

(21)

Le débat oublié : une perte de souveraineté nationale, par la petite porte…

Pierre Hurt, 2021

(22)

L’importance de cette thématique – toujours à l’ordre du jour – avait été soulevée dans un courrier du 29 octobre 2018 adressé au Premier Ministre par la Fédération des Travailleurs Indépendants (FTI) :

FTI, 2018

(23)